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Les effets potentiellement néfastes de l'intelligence artificielle sur le recrutement dans l'immobilier
L'intelligence artificielle (IA) s'impose comme un outil incontournable dans de nombreux secteurs, et l'immobilier ne fait pas exception. En particulier dans le domaine du recrutement, l'IA est perçue comme un moyen d'accélérer les processus, de réduire les coûts et d'améliorer l'efficacité. Cependant, cette dépendance croissante aux technologies d'automatisation et d'analyse de données comporte aussi des risques considérables. Bien que les avantages de l'IA soient souvent mis en avant, il est essentiel de s'attarder sur ses effets potentiellement néfastes dans le recrutement du secteur immobilier.
Les biais algorithmiques et leur impact sur la diversité
L'un des dangers les plus couramment associés à l'usage de l'IA dans le recrutement est la reproduction des biais algorithmiques. Ces biais, présents dans les données historiques utilisées pour programmer les systèmes d'IA, peuvent entraîner des discriminations involontaires à l'encontre de certains groupes. Par exemple, si dans le passé, les hommes ont été recrutés en majorité pour des postes de direction dans l'immobilier, un algorithme formé sur ces données pourrait automatiquement favoriser des candidats masculins, écartant ainsi des femmes pourtant qualifiées.
De plus, les candidats atypiques, dont le parcours ne correspond pas aux critères standards définis par l'algorithme, risquent d'être filtrés, même s'ils possèdent des compétences précieuses. En enfermant le processus de recrutement dans des schémas historiques, l'IA peut freiner l'évolution de la diversité dans le secteur, un élément pourtant crucial pour le dynamisme et la créativité des entreprises.
L'opacité des algorithmes constitue un autre problème majeur. Les recruteurs, tout comme les candidats, ont parfois du mal à comprendre pourquoi un algorithme rejette une candidature ou, au contraire, en privilégie une. Les systèmes d'IA fonctionnent souvent comme des « boîtes noires », où les mécanismes de prise de décision sont difficiles, voire impossibles à déchiffrer. Cela soulève des questions cruciales concernant la transparence du processus de recrutement.
En outre, une dépendance excessive à l'IA peut affaiblir le rôle du jugement humain. Les recruteurs peuvent devenir trop confiants dans les décisions prises par les algorithmes, réduisant ainsi leur propre capacité à évaluer de manière subjective et nuancée les candidatures. Dans un domaine aussi relationnel que l'immobilier, où les compétences humaines et interpersonnelles sont essentielles, cette automatisation des décisions pourrait nuire à la qualité des recrutements.
L'atteinte à la vie privée et la collecte de données sensibles
L'utilisation croissante de l'IA pour le traitement massif des données personnelles soulève des préoccupations éthiques, notamment en ce qui concerne la vie privée des candidats. En effet, de nombreuses entreprises collectent des informations non seulement à partir des CV et des lettres de motivation, mais aussi via des technologies plus intrusives, comme l'analyse des vidéos d'entretien, qui scrutent les expressions faciales et le langage corporel.
Bien que sophistiquées, ces méthodes comportent un risque de mauvaise interprétation de certains comportements. De plus, l'analyse biométrique est perçue comme une intrusion dans la sphère privée des individus, renforçant le sentiment de surveillance et soulevant des questions sur le respect des données personnelles.
La reduction des interactions humaines
L'un des attraits de l'IA réside dans sa capacite à automatiser certaines tâches répétitives, comme le tri de CV ou l'organisation des entretiens. Si cela peut accélérer le processus de recrutement, cela peut également réduire les interactions humaines, ce qui est problématique dans un secteur comme l'immobilier, ou les relations interpersonnelles sont au cœur du métier.
En effet, lorsque l'IA gère une grande partie du processus, les recruteurs interagissent mains avec les candidats, ce qui peut affaiblir la dimension humaine du recrutement. Dans un secteur au 'intuition, l'empathie et la capacite à juger les compétences relationnelles sont fondamentales, ce désengagement humain pourrait se traduire par des recrutements mains adaptes aux besoins réels de l'entreprise.
Le risque de standardisation des profils et la perte de créativité
En misant sur l’IA pour filtrer les candidats, les entreprises immobilières risquent de privilégier des profils standardisés, correspondant à des critères rigides définis par les algorithmes. Cela peut entraîner un appauvrissement de la diversité des profils et une homogénéisation croissante des équipes, au détriment de la richesse que peuvent apporter des talents atypiques.
La créativité et l’innovation, pourtant essentielles dans un secteur en perpétuelle évolution comme l’immobilier, risquent d’être sous-évaluées. Un algorithme, limité par des critères préétablis, peut avoir du mal à identifier des talents prometteurs si ceux-ci ne correspondent pas aux cases traditionnelles des processus de sélection automatisés.
Conclusion: trouver un équilibre entre Ia et intervention humaine
Bien que l’intelligence artificielle offre des avantages indéniables en termes d’efficacité et de rapidité dans le recrutement immobilier, il est crucial d’en anticiper et d’en maîtriser les dérives potentielles. La clé réside dans un usage équilibré de l’IA, où la technologie vient en complément de l’intelligence humaine, et non en remplacement. Il est essentiel de rester vigilant face aux biais algorithmiques, de garantir la transparence des processus et de respecter la protection des données personnelles afin de préserver un recrutement équitable et humain.
Les recruteurs du secteur immobilier doivent utiliser ces technologies avec discernement, en veillant à ne pas perdre de vue que l’aspect humain reste central dans l’évaluation des candidats et la constitution d’équipes diversifiées et performantes.
Éric Bernard est chasseur de talents en immobilier chez Recrutement Performance depuis 2019. Passionné par la culture d’entreprise et le bien-être au travail, il met à profit plus de 30 ans d’expérience dans l’immobilier commercial, ayant occupé des rôles de gestionnaire, courtier, prêteur et responsable du développement des affaires. Sa vaste connaissance des différents métiers de l’immobilier et de la construction non résidentielle fait de lui un expert incontournable du secteur.
Article originalement publié en page 41-43 du magazine Gestion Immobilière.